Intuitions, perceptions et
prémonitions
par M.L
La dynamique relative à la
présence des intuitions, ou des perceptions à caractère
prémonitoire n'est pas toujours bien décrite. Ou insuffisamment
dans certains livres, même si cette dernière s'y trouve
forcément mentionnée.
Plusieurs mots employés par
certains praticiens, ou spécialistes de la douance font parfois
écho. Ils évoquent alors ce "regard intense", caractéristique du
surdoué, regard qui peut également être assimilé à une forme de
provocation pour les enseignants (alors que cela fait simplement
partie de la stratégie habituelle et inconsciente de "survie" du
surdoué, obligé de s'adapter, de "boire" son environnement en
permanence pour ne pas s'y noyer). En outre, ils soulignent cet
"état d'alerte" permanent qui caractérise son besoin de
maîtriser son environnement. Oui, car cet état d'alerte, de
sentinelle permanente est omniprésent : un regard, une parole,
un geste...tous ces éléments viennent s'installer dans la
conscience sans même que le processus cognitif ne soit enclenché
de manière volontaire. Les gestes sont lus, enregistrés,
mémorisés, interprétés. Une logique se forme, le comportement se
modifie alors en fonction de tous ces éléments de manière
blanche, mais très rapide. L'énervement survient ensuite, du
fait du manque de réaction des camarades de classe, on
s'interroge : Pourquoi personne ne réagit ? Suis-je le/la
seule personne à avoir vu ce geste, ou perçu cette phrase qui
sonnait faux ?
Et puis rien, la salle semble
comme vide... La vie d'une personne caractérisée par la douance
est submergée par ces intuitions, en permanence. Pourtant elles
permettent à terme de s'extraire et d'anticiper de grands
dangers.
Mais elle est aussi un
poison. Un poison car comment expliquer à des amis, un soir où
ils écument les bars, qu'il ne faut pas aller dans celui-ci...
Car l'on sait croiser des gens qui ne nous veulent pas du bien,
sans qu'aucune raison apparente, signe, ou fréquentation
ultérieure ne soit engagée. La chose se passe. On vous regarde
alors avec inquiétude. Ou encore, comment expliquer que l'on
sait que ce monsieur de dos est sur le point d'invectiver des
passants dans la rue, et que l'on prie ainsi son amie de changer
de trottoir avant que cela ne se passe. Quelques secondes plus
tard, il implose et dérange tous les passants à proximité,
devant cette amie, interdite. Ces intuitions qui rythment la vie
du surdoué contribuent à la rendre oppressante. Et c'est pour ne
citer en exemple que des événements immédiats qui, s'ils
semblent anodins, rythment son quotidien.
Pour développer de manière
plus personnelle, de sorte à mettre en lumière la présence de
l'intuition au quotidien, plus jeune, je pensais que j'avais
seulement un bon discernement sur autrui. Parfois je me disais
que je me prenais pour une petite ingénue. Et je me moquais de
ces pressentiments comme la peste, je les prenais pour des
affabulations. Je me moquais de moi-même. Disons-le, j'en avais
peur. Mais avec l'âge, chaque fois que j'ai inhibé mes
perceptions, la petite voix que j'ai tue avait toujours raison.
Mais c'était d'un triste. Car il faut comprendre que, ces
intuitions, la majeure partie du temps sont aiguës, notamment
lorsqu'il est question de dangers ou de déceptions. Alors un
échiquier se met en place de manière involontaire, et sans qu'on
l'ait remarqué, une équation comportementale de l'individu/ou de
la situation anxiogène se dresse. Comme pour se prémunir d'un
danger. Et parfois, l'équation se dresse des mois avant que la
situation "d'échec" ou redoutée ne se passe. On vit alors dans
l'angoisse pendant des mois, voire des années, on se prend pour
une malade, on doute, on refoule. On ne parle pas. C'est le
mutisme, et surtout la peur de sombrer dans la folie. Comment
expliquer ces angoisses relatives à une action qui n'a pas
encore trouvé sa réalité opérante ? Comment justifier ses peurs
et son comportement qui s'ajuste à l'avance à des signes que la
plupart ne conçoivent pas ?
Ces intuitions fulgurantes
sont constantes. Et depuis que je veille à écouter mes
intuitions, pas une fois je n'ai eu tort. Le sentiment à
l'origine de l'intuition, ou l'intuition en elle-même, sur le
fond, est toujours confirmée. Je pense être loin d'être seule
dans cette situation présente. Cependant, couplée à une très
bonne mémoire, et au fait de ces perceptions omniprésentes, il
m'est vraiment parfois très compliqué de ne pas me sentir à
bout, et parfois la société, ou l'entourage sanctionne, l'oeil
inquiet. On aime point à être trop deviné, je le conçois, il
n'est point question de jouer à la Cassandre. Mais je trouve
simplement que chaque intuition correspond au fond à une logique
analytique bien précise à chaque fois, et que ce que l'on nomme
intuition est en réalité simple logique née de l'arborescence de
la pensée. J'écris cela pour récuser tout caractère
extraordinaire à la perception, elle est naturelle, elle se
déploie...Il est donc nécessaire d'en faire un allié, de
l'apprivoiser. Comme toute équation, on peut ensuite l'adapter à
de multiples situations. Les variables se retrouvent.
Dans le milieu scolaire, à
l'instar des exigences qui sont celles de notre société
actuelle, le primat est celui de l'immédiateté, contraire à
l'éthique du surdoué qui a besoin du temps de son
perfectionnement. Même si il s'adapte très vite, cela lui coûte
une énergie incommensurable au détriment du perfectionnement
d'autres talents. Il est dommage de constater ces encore trop
timides approches relatives aux intuitions qui ne sont, à
l'image de la mythologie grecque (Cassandre), pas écoutées, et
qu'il faut alors mener une lutte sans failles pour faire émerger
une prise de conscience. C'est pourquoi votre combat prend toute
sa pertinence, en particulier au regard des enfants, désireux et
impatients d'être mieux accompagnés, il faut les aider en
France. On tue le talent car ses manifestations effrayent.
Dimanche 8 septembre 2019